Visite chez André Lévêque

Restaurez vos meubles

À côté d’André Lévêque, une chaise convertible en Prie-Dieu style Charles X qu’il a rénovée récemment. Photo Lucas Gault/EPJT

Une vieille commode chez mamie, un fauteuil usé et dégarni. La plupart du temps c’est direction la déchèterie, sur Leboncoin dans le meilleur des cas. Pas pour André Lévêque, ébéniste-restaurateur à Montlouis-sur-Loire. Il nous ouvre les portes de son atelier pour inciter à la réparation des meubles.

Par Lucas Gault

Il suffit d’entrer dans l’atelier pour changer d’univers, d’époque. Des chaises du Second Empire, des tables style Louis XV et une agréable odeur de bois. Ce jour-là, André Lévêque organise la  visite de son atelier de restauration d’art. Un atelier qu’il a baptisé « Partageons  ensemble  la  passion de l’authentique ».

André Lévêque aime à faire connaître son métier et accepte, pour des manifestation comme les Journées nationales de la réparation (la première édition s’est tenue les 20, 21 et 22 octobre 2023), d’ouvrir son atelier. C’est pour lui l’occasion de « montrer notre travail et notre savoir-faire ». Il aimerait même voir « un peu plus de monde » pour partager son enthousiasme.

Réalisation : Lucas Gault /EPJT.

« C’est un métier particulier, avec des contraintes et des clients atypiques. À chaque étape d’une rénovation il faut dialoguer avec le client, lui expliquer les méthodes, les coûts et le rendu final. » Le travail d’un restaurateur de meubles se fait majoritairement avec le Mobilier national, le Centre des monuments nationaux ou les directions régionale des affaires culturelles (Drac). Inutile dans ce cas de cacher les traces des rénovations. Les musées ont horreur de ça, les meubles doivent « montrer le passage du temps ». Dans ce cas précis, le restaurateur doit suivre un cahier des charges afin de répondre aux exigences des organismes publiques. Il ne peut s’en détourner ni laisser s’exprimer sa créativité.

En revanche, travailler avec des collectionneurs particuliers « c’est autre chose », il s’agit le plus souvent de « remettre à l’état d’origine ». Le but de la rénovation n’est alors pas d’exposer le mobilier dans un cadre pédagogique, à l’instar des musées. Le meuble doit être le plus propre possible, presque neuf après la restauration.

Dans son atelier, l’ébéniste présente ses techniques et l’étendue de ses restaurations. Une porte de commode à la main, il montre les galeries que les vers ont creusés, au fil du temps, à l’intérieur du bois. « Le bois vermoulu », la majorité de notre travail, un casse-tête et un danger pour les meubles en bois, explique-t-il. Les larves d’insectes foreurs se nourrissent du bois des meubles et les dégradent de l’intérieur en dévorant la matière.

Pour contrecarrer les ravages du temps, une technique à base de résine permet

Table « rognon » style Louis XV à sept tiroirs, rénovée par André Lévêque. Photo : Lucas Gault, EPJT

d’imiter le bois. La pièce de bois est mise sous vide, puis avec un peu de pression, les cavités se remplissent de résine « comme une éponge ». Cette méthode permet de « sauver beaucoup de meubles qui sont devenus trop fragiles ». Les visiteurs n’en reviennent pas : « L’imitation du bois par la résine est vraiment réaliste, il est presque impossible de distinguer les parties originelles du meuble de celles remplacées par la résine. »

Quand il parle de sa passion, André Lévêque est généreux de son temps. La visite dure presque deux heures, il expose son travail et l’explique avec chaleur. Il s’arrête pourtant au détour d’une phrase pour expliquer les problèmes que la profession rencontre. « Aujourd’hui, on jette tout, on achète au moins cher et du préfabriqué. Surtout, de moins en moins de personnes s’intéressent à l’art décoratif. »

Depuis quinze ans, les prix n’ont cessé de chuter : un meuble qui valait 20 000 euros il y a quinze ans peine à se vendre 5 000 euros aujourd’hui. Les meubles d’époques ne sont plus la réserve de valeur qu’ils étaient il y quarante ans. Le mobilier classique français a perdu plus de la moitié de sa valeur depuis la crise de la fin des années quatre-vingt.

Le marché du mobilier classique français est en crise depuis les années quatre-vingt, une difficulté supplémentaire pour les ébénistes. Infographie : Lucas Gault/EPJT.

Alors que la visite touche à sa fin, l’ébéniste se penche un peu sur l’avenir de sa profession. Le métier est de plus en « plus mécanisé, ce qui permet de réduire les coûts par quatre ». C’est surtout vrai à Paris. Les petits ateliers sont rachetés par les gros. Il laisse échapper un soupir, puis reprend : « Les jeunes eux ont de grosses difficultés. » Ils sont beaucoup à sortir des écoles et se retrouvent « sur un marché en diminution ». Face à la concurrence, ces jeunes diplômés n’ont pas d’autre choix que de « vendre des prestations à pertes » afin de se constituer un carnet d’adresse.
 
L’Ébénisterie EMG, à Coignières dans les Yvelines, condense les nouvelles réalités de la profession. Elle emploie près de 25 ébénistes, beaucoup de jeunes, et exporte plus de 80 % de sa production vers les États-Unis et le Moyen-Orient, faute de débouché en France et en Europe. Le mythe du petit atelier n’est plus vraiment d’actualité.
 

Tout en admirant une dernière fois le faste des meubles d’époque et la qualité des rénovations, un des visiteurs conclut : « On fera plus attention maintenant. Quand on visite un château de la Loire, on s’intéresse aux meubles et à leur histoire. Mais on n’imagine pas le travail et la minutie que cela représente, rien que pour les entretenir et les restaurer. »

Les prochaines Journées nationales de la réparation auront lieu du 18 au 20 octobre 2024.

Lucas Gault

@Gault_Lucas28
22 ans.
Étudiant en journalisme à l’EPJT.
Passé par Le Télégramme, La Nouvelle République et Choc.ca.
Passionné d’histoire, de politique, de sujets internationaux et engagé pour défendre l’environnement.
Rêve d’être journaliste TV.