Sara Imloul, le temps long d’un instant
Lauréate du Prix Levallois 2019, elle a participé au Paris Photo Fair 2022. Sara Imloul occupe une place unique dans le monde de la photographie.
Par Tom Demars-Granja
Des ombres fantomatiques du Cirque noir (2008-2011) aux scénettes expressionnistes de Das Schloss (2014) en passant par la faune de Chez moi (2020), Sara Imloul a trouvé dans le format sériel le moyen de laisser libre-cours à son imagination.
Conteuse d’histoires dans l’âme, elle élabore une scénographie unique pour chaque photo, qui s’inscrit elle-même dans une mythologie plus large. Chaque objet visible dans le cadre, l’angle choisi, la position du sujet, les rajouts en post-production… le moindre détail passe par « un comité de censure très sélectif », s’amuse-t-elle.
Passages, de l’Ombre aux Images – qui lui a valu le prix Levallois en 2019 – a ainsi demandé trois ans de travail. « Une série, c’est vraiment comme un parfum : j’ai une idée globale de ce que je veux dire et puis, je vais l’ajuster. S’il y a des fulgurances, tant mieux », résume-t-elle. Chez Sara Imloul, la photographie découle de l’histoire qu’elle a imaginée et non l’inverse. Sa pire hantise est de « juste faire de belles photos en noir et blanc ».
« Ça me paraît dingue aujourd’hui, car je ne connaissais pas l’existence du montage, mais j’ai réalisé un film, se souvient-elle. Je prenais le caméscope de la famille, je filmais ma cousine – déjà en noir et blanc – et quand ça n’allait pas, je rembobinais pour qu’elle rejoue la scène. » Hélas, ce fameux projet n’a pas survécu bien longtemps : « Je crois qu’on a enregistré Dirty Dancing sur ce film », regrette-t-elle.
Cependant l’un de ses professeurs l’a inscrite sur la liste. « Je pense que c’était gentil, ironise-t-elle. Mais aussi parce que j’étais tellement arrêtée dans ma vision qu’il a voulu me confronter à un pro. »
Malgré ses réticences, l’étudiante de 22 ans présente son travail. À sa grande surprise, Dimitri Beck a un coup de coeur. « Je crois qu’il était surtout étonné de voir ma jeunesse et le procédé que j’utilisais. » Sa première série, Le Cirque noir, sera exposée, du 15 mars au 12 mai 2012, à la galerie Polka.
Sara Imloul se rapprocher ainsi de ses modèles, tout en allant toujours « à l’essence » même de son propre langage. Quitte à prendre son temps.
Tom Demars-Granja
@tomdemarsgranja
23 ans
Étudiant en journalisme à l’EPJT.
Intéressé par le cinéma, la bande dessinée, la photographie et la littérature.
Passé par Beware! magazine, The Conversation, RFI, O2 Radio, L’Eclaireur et L’Est Éclair.
Se destine au journalisme culturel et aux photoreportages.
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