Distribution de nourriture aux sdf à Tours 22 décembre 2016. Photo Guillaume Souvant
Depuis un mois, l’association tourangelle, la Table de Jeanne-Marie, se retrouve sans toit. Comme bon nombre de ses bénéficiaires.
Par Emmanuel HADDEK avec Mahé CAYUELA
Vers 10 heures, Marylène rejoint le responsable et membre du conseil d’administration de TJM, Omar, ainsi qu’un autre bénévole, Nacko. Ils récupèrent les invendus de l’Intermarché rue Charles-Gilles et ceux de la boulangerie Ardouin. Chargée d’une dizaine de cagettes de produits en tout genre ainsi que de cinq gros sacs de pains, l’équipe se dirige vers une salle prêtée par une école pour procéder à la répartition. Depuis sa création, en 2016, l’association possédait un local pour préparer et distribuer ses repas. Depuis un mois la Table de Jeanne-Marie a dû revoir toute son organisation pour continuer de subvenir aux besoins de ceux qui en dépendent.
La petite équipe décharge les cagettes dans la cours de l’école puis partage les produits équitablement en fonction des besoins et habitudes alimentaires des bénéficiaires. Nacko, en charge de trois familles, veille à ce qu’elles ne manquent de rien.
« Nous cherchons à créer un échange »
En retard d’une demi-heure sur leur programme la petite équipe se dirige, sans stress, vers le centre de vie de Sanitas afin de commencer sa distribution. A peine arrivés, une dizaine de personnes s’approchent du camion pour récupérer de quoi déjeuner. Ces produits sont censés être donnés à l’association Chrétiens migrants pour que leur cuisinière prépare les plats et les servent ensuite aux bénéficiaires. Cependant les bénévoles de la Table de Jeanne Marie ne refusent jamais de donner un sandwich, du pain ou de quoi manger aux personnes qui le leur demandent. Migrants pour la majorité, certains parlent à peine français, ce qui ne les empêche pas de remercier chaleureusement l’équipe de la Table de Jeanne Marie.
« Notre objectif est de répondre à un besoin alimentaire. Au delà de ça nous cherchons à créer un échange, intégrer des personnes qui sont seules et isolées. », explique Marylène tout en distribuant du pain.
L’équipe se dirige ensuite vers Saint-Pierre-des-Corps où Nacko retrouve les familles dont il s’occupe. Une jeune femme enceinte et son mari récupèrent les sacs de nourriture et discutent avec les bénévoles pendant un petit quart d’heure.
Avant dernière étape : la maison Saint-Martin. Ici, dans une petite maison avec jardin et une serre, des personnes en situation précaire et atteintes de troubles mentaux, vivent ensemble. Omar est chargé de leur apporter à manger. « Sans nous, ces personnes seraient seules toute la journée, nous leurs apportons de quoi se nourrir et passons un moment avec eux », explique Omar. Il ne finira pas la tournée avec le reste de l’équipe pour passer l’après-midi en compagnie des habitants de la maison Saint-Martin.
« Vendeurs et riverains sont frileux »
Plus que deux cagettes et un sac de pain. L’équipe se rend au café associatif La Barque, situé au centre ville. C’est la fin de la tournée, les bénévoles restent discuter au bar. Isabelle Saillenfest, la présidente de la Table de Jeanne-Marie, se confie sur les difficultés que traverse l’association : « Après deux ans dans un local, il est difficile de se retrouver à la rue. Notre objectif est d’apporter un lieu sûr à des individus qui se sentent constamment en danger. Si même leur refuge disparaît, que leur reste-il ? »
La présidente ne parvient pas à trouver un nouveau local pour l’association. Pourtant, grâce aux dons et à la création d’une SCI, la Table de Jeanne-Marie est en bonne condition financière. L’association pourrait devenir propriétaire de son local pour un budget d’environ 250 000 euros. « Nous nous heurtons à deux soucis. Premièrement, notre statut d’entreprise nous soumet à de nombreuses normes. Deuxièmement, les vendeurs et riverains sont frileux à l’idée de voir la population que nous accueillons s’installer dans leur quartier. A chaque fois que nous avons eu un projet d’achat, les copropriétés ont fait avorter le plan ».
Les locaux vides ne manquent pourtant pas à Tours. Mais pas plus d’un problème à la fois, malgré cinq échecs, Isabelle Saillenfest ne se décourage pas. A peine son café terminé qu’elle part rejoindre d’autres bénévoles pour préparer les tournées de la semaine.