Dans l’incubateur

des médias de demain

Les nouveaux locaux du Tank Média. Photo Édouard Ducos/Le Tank media

En attendant de disposer de ses nouveaux bureaux, le Tank Media logeait l’an dernier dans le 10e arrondissement de Paris, dans les bureaux de Morning coworking. C’est là que nous avions rencontré l’équipe.

assé les grandes portes en verre, on découvre un autre monde. Autour du grand bar faisant office d’accueil, éparpillées dans la grande salle du rez-de-chaussée, des dizaines de personnes travaillent. Installées dans de grands fauteuils douillets ou, plus à l’écart, dans des box. C’est l’endroit de ceux qui n’ont pas de locaux fixes. Les cerveaux bouillonnent dans une ambiance calme et décontractée.

Aux étages supérieurs, des bureaux plutôt spacieux sont à louer. Très modernes, ils sont entièrement vitrés et totalement insonorisés. Il y en même à moitié rempli de balles transparentes. Peut-être pour se rouler dedans en cas de crise de nerfs.

C’est là que le Tank Media a pris ses appartements au cinquième étage, bureau 521. Dans ses bureaux, l’ambiance est toujours chaleureuse et le tutoiement de rigueur. Les trois salariés du Tank Media, les deux stagiaires et la promotion d’incubés sont réunis. Ils attendent la session du jour. Mais l’intervenant est en retard, Paris et ses embouteillages ont eu raison de lui.

Mathieu Maire du Poset, fondateur du Tank Media

Ces observateurs du monde, comme ils aiment à se définir, veulent favoriser l’émergence des médias. Selon eux, l’avenir est radieux. Certes, les anciens modèles s’effondrent mais le numérique permet à presque n’importe qui de créer son média et une nouvelle génération d’entrepreneurs est en demande de savoir-faire.

C’est dans cette logique que Mathieu Maire du Poset, quadragénaire décontracté, a créé le Tank en 2018 : pour innover et trouver des solutions. Après avoir été, entre autres, au cœur de la transformation digitale du magazine Marianne, il s’est senti frustré. Au sein des rédactions, les journalistes ne comprennent pas que le numérique change les choses. Il passe ensuite quatre ans et demi à développer la plateforme Ulule. Il voit les appels à projets de médias se multiplier.

GÉNÉRATION D’ENTREPRENEURS

C’est ainsi qu’il apprend à accompagner les entrepreneurs et à cerner leurs problèmes. Avec le Tank, il cherche à créer une génération d’entrepreneurs, de chercheurs, d’innovateurs. « Notre but, c’est que les gens se rencontrent et partagent. En confrontant toutes ces idées, en testant de nouveaux modèles, on arrivera à réinventer quelque chose en rapport avec l’époque actuelle. »

Cette année, sur 33 candidatures déposées, 7 ont été sélectionnés. En équipe ou en solo, établis depuis des années ou depuis quelques semaines, jeunes ou moins jeunes, ils proposent différents formats : des podcasts, des vidéos, des sites d’informations, des chaînes Youtube et même un média Instagram.

Ils sont tous venus avec des problématiques différentes. Ils veulent fidéliser une communauté, avoir plus de visibilité, apprendre à utiliser certains outils ou, comme Hubert Guillaud, rédacteur en chef d’Internet Actu : « Réfléchir à [son] modèle économique et envisager la suite. » Et puis, tout simplement, faire de l’argent pour vivre de leur création. « Je ne gagne pas un radis », lâche Martin Gamarra, fondateur du studio de podcasts Mecha Media. Il a aujourd’hui l’impression d’être dans une impasse.

La promotion 2019 participe à toutes les sessions de la formation.

Pendant douze semaine, la promotion va suivre un programme d’incubation construit autour d’ateliers, de formations et de rencontres. L’équivalent d’un travail à mi-temps. Les participants viennent de milieux différents. Ils n’ont pas forcément suivi de cursus en journalisme. C’est une force pour Mathieu Maire du Poset : « On cherche des parcours différents qui créeront une étincelle. Ce n’est pas en école de journalisme qu’on apprend à penser et à développer le monde. Quand ils en sortent, les étudiants veulent et pensent tous la même chose. »

FORMATION EXPRESS ET EXPERTE

La session du jour commence, Antoine Bayet, responsable du numérique à l’INA, vient d’arriver. Il va animer un atelier sur les métrics. « Je ne sais pas ce que ça veut dire », avoue Roxane, une jeune brune à l’origine du média équestre PegaseBuzz. C’est comment analyser et améliorer son audience. L’intervenant reprends : « Je ne suis pas un entrepreneur, pas comme vous, je suis admiratif. »

Il déroule ensuite un power point. La formation va durer quatre heures, dans un jargon entrepreneurial que la promotion peine parfois à comprendre. Le ton est familier, les blagues et les questions fusent. Tous rigolent, apprennent et s’améliorent.

Antoine Bayet commence son intervention par une comparaison des médias avec le concept de vie liquide du sociologue Zygmut Bauman. Il explique que la société moderne est un univers sans modèles, sans structures, si ce n’est celle d’un mouvement permanent, comme les vagues. « Les médias évoluent tellement vite qu’on n’a à peine le temps de voir ou d’analyser ce qu’on fait que tout est déjà remis en question », analyse Antoine Bayet.

Difficile dans ces conditions d’y voir clair. Surtout quand une personne porte seule son projet. Un cas de plus en plus fréquent qui nécessite un minimum de connaissances et de formation : des clés que les entrepreneurs solos n’ont pas toujours. Un déficit qui conduit à de mauvais choix et à la disparition de leur projet.

En plus de l’accompagnement personnalisé, le Tank s’est ouvert à de nouveaux marchés. Des formations et des missions de conseils, sont accessibles aux organisations médias « traditionnelles » et à leurs salariés. Une manière de faire évoluer les rédactions et d’éviter la frustration des journalistes.

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