Mal-être dans la police
Lundi 8 février 2016, un policier âgé de 41 ans se tire une balle dans la tête devant son commissariat à Saint-Brieuc. En 2015, ils ont été 45 à se donner la mort. La situation révèle le malaise qui ronge l’institution depuis des décennies. Aucune mesure gouvernementale n’a été jusqu’ici en mesure d’enrayer durablement le problème. Au Courbat, un centre unique en France, on accueille des policiers malades de leur métier et on tente de les remettre sur pied.
« Je me sens bien ici. » Ivan est officier de police à Brest (Finistère). Il est arrivé la veille. C’est son tout premier séjour mais, déjà, il respire mieux. Ici, c’est Le Courbat. Depuis plus de cinquante ans, ce centre de repos situé au Liège (Indre-et-Loire) accueille environ 400 hommes et des femmes victimes de burn-out ou d’addictologie. La majorité sont policiers. Ivan a été confronté au suicide d’un collègue et ami, en septembre. L’homme s’était tué avec son arme de service dans le commissariat. « Je n’ai pas tenu le choc aux obsèques. Je suis sorti de l’église et suis allé au bar d’en face », explique-t-il. Jean-Claude, lui, travaille au sein de la brigade anticriminalité de Marseille. « J’ai eu un accident de voiture alors que j’étais en service, explique-t-il. Je ne peux plus aller sur le terrain et ma hiérarchie ne le supportait pas. » Il a fait un burn-out. D’ici quinze jours, il quittera le Courbat après y avoir séjourné pendant plusieurs semaines.
En 1949, les CRS se sont cotisés pour acheter le lieu situé à une cinquantaine de minutes de Tours et fonder le centre. Aujourd’hui, il est géré par l’Association nationale d’action sociale des personnels du ministère de l’Intérieur (Anas). Ceux venus pour des problèmes d’addictologie restent ici au minimum deux mois, après une semaine de sevrage dans un centre spécialisé. Les autres n’y restent qu’un mois. Le Courbat est bien connu des commissariats. C’est le seul centre spécialisé dans la thérapie des policiers. « Nous avons une blague dans la police, sourit Patrick, un gradé du commissariat de Tours. Quand on voit qu’une personne ne va pas bien, on lui dit : “Tu vas finir au Courbat.” »
Le Courbat est loin de tout et surtout loin du quotidien difficile de la police. À l’horizon ? Rien, ni personne. Sur ses terres, le centre compte deux plans d’eau : un vaste lac où les résidents pêchent et font du canoë lorsque le temps s’y prête et un autre, beaucoup plus petit, autour duquel ils se plaisent à marcher. Autour, des bâtiments qui abritent l’atelier création, l’atelier menuiserie et la bibliothèque. Le bureau du policier assistant médico-social est un peu plus loin et en face, on trouve le bâtiment principal dans lequel se succèdent les chambres. Il y a plus de 80 lits.
Ce n’est pas à l’intérieur de leurs chambres que les résidents passent la majeure partie de leur temps. Loin de là. On les pousse – voire même on les oblige – à participer aux différents ateliers et aux animations mises en place. Au sous-sol, les résidents profitent de la salle de sport. Au rez-de-chaussée, il y a la piscine où sont organisées de nombreuses séances de gym aquatique.
« Le Courbat, ça a été comme une renaissance »
Jean-Claude, agent à la brigade anticriminalité de Marseille
La cloche sonne. Il est 14 heures. C’est l’heure de l’appel. Il y en a deux autres chaque jour : à 9 heures et à 16 h 30. L’organisation est quasi militaire. Billy Titus est le policier assistant médico-social. C’est vers lui que se tournent les résidents lorsqu’ils ont un problème. Il égraine les noms des patients. Chacun leur tour, ils répondent « présent ». Autour de lui, l’équipe est nombreuse Laurent Chevalier est infirmier au Courbat depuis onze ans : « Nous effectuons des suivis médicamenteux. Nous délivrons des traitements chaque matin, nous écoutons les résidents et nous veillons au moral de chacun. » Stéphane Rolland est éducateur sportif : « Le sport va leur permettre de retrouver une meilleure condition physique et de créer des affinités avec les autres. »
Tous sont d’accord. Le Courbat leur a beaucoup apporté. Ce qui ne garantit pas que la plaie soit refermée pour toujours. En moyenne, 30 % des patients reviennent. « La rechute fait partie de la thérapie », explique Frédérique Yonnet, la directrice. Mais Le Courbat permet aux policiers de se ressourcer avant de reprendre leur poste.