Transports en commun

Des projets sur de bons rails
Photo : Zacharie Gaborit/EPJT

Lignes B et C du tramway, étoile ferroviaire, ligne de bus à haute fréquence… Après plusieurs années d’attente du côté des Tourangeaux, la métropole multiplie les  projets pour développer les transports en commun à Tours.

Par Fanny Uski-Billieux et Maylis Ygrand

 Afin de dépolluer les villes, les métropoles, comme celle de Tours, investissent de plus en plus dans les transports en commun.

D’après une enquête sur les mobilités, publiée en 2019 par le Syndicat des mobilités de Touraine (SMT), 3 % des usagers ont délaissé leur voiture pour les transports en commun en dix ans. « Un chiffre qui n’est pas anecdotique même s’il reste insuffisant », estime Vincent Degeorge, président de l’Association de développement des transports collectifs en Touraine (ADTT).

L’une des principales raisons de ce changement de comportement serait la première ligne de tramway tourangelle. Cette dernière, qui a vu le jour en 2013, a permis de désengorger certains axes de la ville. En effet, dans un article publié en juin 2022*, Sabine Carrette, chargée de missions au SMT, observait une diminution de l’usage de la voiture deux fois plus importante dans le corridor qu’emprunte le tramway qu’en dehors. « La ligne A a battu son record en termes d’usagers en septembre dernier », se félicite par ailleurs Emmanuel Denis.

Photo : Zacharie Gaborit/EPJT

Cette utilisation du tramway au détriment de la voiture est particulièrement bénéfique pour l’environnement. D’après Réseau action climat, si nous nous plaçons sur le plan énergétique, une rame de tramway peut transporter autant de passagers que 170 voitures. En parallèle, l’association souligne que la majorité des trajets urbains s’effectuent sur des distances de 3 kilomètres, des parcours facilement réalisables en vélo, à pied ou en transport en commun.

Un chiffre que nous retrouvons également à l’échelle du département puisque, d’après l’enquête du SMT, plus de la moitié des déplacements en Indre-et-Loire se révèlent être des trajets de moins de 3 kilomètres.

« Globalement, nous avons un service de transports urbains qui est satisfaisant dans la métropole, constate Vincent Degeorge, avant de nuancer. Même si certains quartiers, comme celui de la Rabaterie, à Saint-Pierre-des-Corps, nécessitent plus d’investissements. » C’est d’ailleurs pour cette raison que la deuxième ligne de tramway devait initialement desservir la commune.

À la place, ce sera une ligne de BHNS (bus à haut niveau de service) qui verra le jour « au début du mandat prochain », précise Emmanuel Denis. Ces lignes BHNS se caractérisent, entre autres, par leur forte fréquence (tous les 5 à 10 minutes), une large amplitude horaire et des aménagements sur les voiries avec des voies réservées et une priorité aux carrefours à feux.

Une amélioration des transports urbains est donc prévue dans la commune corpopétrussienne mais elle se fait attendre. Vincent Degeorge le reconnaît : « Depuis plusieurs années, il était annoncé que des projets de tramway devaient normalement leur être destinés. Finalement, ça n’a pas été le cas avec le tracé de la deuxième ligne », ce qui suscite une certaine déception parmi les habitants.

Tramway contre arbres séculaires

Ce nouveau tracé a d’ailleurs suscité son lot de polémiques. Alors qu’il devait initialement emprunter le boulevard Béranger, il a dû être modifié. En effet, sur l’artère sont plantées deux rangées d’arbres séculaires et classés. Il était donc nécessaire d’avoir l’accord des architectes des Bâtiments de France avant de commencer les travaux.

Or, selon le maire de Tours, après plusieurs études racinaires, l’ABF a refusé que la ligne B soit construite sur ce boulevard. Cela a également entraîné l’impossibilité d’un croisement avec la ligne A à la station Jean-Jaurès. L’ABF d’Indre-et-Loire n’a pas répondu à nos sollicitations.

La deuxième ligne du tramway passera donc boulevard Jean-Royer et croisera la ligne A à la station Liberté. Un changement que regrette particulièrement l’ADTT, car elle va probablement entraîner une perte d’usagers. En effet, d’après une enquête voyageurs sur les origines-destinations/montées-descentes, réalisée du 21 septembre au 9 novembre 2021 par le SMT, l’arrêt générant le plus de voyages se révèle être Jean-Jaurès.

Or, le fait de changer de ligne crée toujours une perte d’usagers quand il faut descendre à un arrêt et se déplacer jusqu’à un autre. Cela peut décourager des usagers de privilégier les transports en commun. Si le croisement entre les deux lignes de tramway s’était fait à la station Jean-Jaurès, il y aurait eu moins de pertes car moins de personnes auraient dû se déplacer à un autre arrêt, puisque c’est l’arrêt qui génère le plus de voyages.

Source : ADTT (novembre 2017)

Néanmoins, Vincent Degeorge soutient que « même si nous aurions préféré que ce second tramway desserve Saint-Pierre-des-Corps en priorité, son tracé reste pertinent ». Il permettra de transporter une partie des usagers de la ligne 2 de bus. Cette ligne, à haut niveau de service, dotée de bus articulés, est saturée.

Elle nécessite donc d’être renforcée par un tramway qui pourra transporter « au moins deux fois plus de voyageurs », selon l’ADTT. En effet, la ligne B du tramway viendra la soutenir en suivant son trajet entre place de la Liberté et le pont du Lac, de l’autre côté du Cher, une zone particulièrement saturée.

Une ligne C déjà en réflexion

Les élus tourangeaux ne souhaitent pas se projeter publiquement sur une troisième ligne de tramway entre Saint-Cyr-sur-Loire et Saint-Pierre-des-Corps. Mais cette dernière commence déjà à faire parler d’elle. Initialement prévu boulevard Heurteloup, le tracé de la ligne C devra se réinventer ailleurs : « Le problème du boulevard Béranger se retrouve aussi bourlevard Heurteloup », explique Christophe Boulanger.

En effet, ces artères, en continuité l’une de l’autre, possèdent toutes deux ces fameuses rangées d’arbres classés. Alors, où passera cette troisième ligne ? « Peut-être sur les quais de la Loire ou boulevard Édouard-Vaillant, en passant par les Atlantes, au sud », répond Emmanuel Denis.

En plus du principal axe emprunté, les extrémités du tracé posent déjà question. Alors qu’il était prévu que l’un des terminus soit à Saint-Cyr-sur-Loire, l’ADTT défend une prolongation jusqu’au quartier des Douets à Tours-Nord. Lors d’une réunion publique, vendredi 10 novembre 2023, elle a exposé que cela permettrait de desservir des lieux d’études et de formation, des entreprises, etc.

D’après l’association, cela élèverait le nombre d’usagers par jour à au moins 5 000. Sans cette prolongation, Vincent Degeorge appréhende que le potentiel d’usagers ne soit pas assez fort et que la nécessité de ce tramway ne soit pas justifiée.

Une étoile ferroviaire « exceptionnelle »

Car Saint-Cyr-sur-Loire, qui fait partie de la première couronne de la métropole, subit elle aussi le manque d’amplitude horaire et de fréquence des transports en commun. Investir dans ces transports dans cette zone serait donc particulièrement justifié pour une population éloignée du centre-ville de Tours.

Ce serait également le cas d’un autre projet de la métropole qui dort dans les tiroirs : le RER métropolitain, également nommé le SERM pour Service express régional métropolitain.

« Exceptionnelle », voilà le mot qui revient sur toutes les lèvres pour décrire l’étoile ferroviaire tourangelle. Représentants associatifs comme élus, tous vendent ces 8 branches de TER et 2 de TGV qui font du département d’Indre-et-Loire un territoire privilégié en matière de desserte ferroviaire en France.

Tous vantent un maillage qui permet « à près de 85 % des habitants du département d’habiter à dix minutes d’une des 44 gares », comme le souligne le maire de Tours. Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, s’était d’ailleurs montré « impressionné » par la cohérence du projet tourangeau de RER au vu de cet « atout de taille qu’est la préexistence de cette étoile ferroviaire ».

Illustration : revue Métropolitain n° 15 – décembre 2020/ADTT

Cependant, pendant plusieurs décennies, la politique était au tout TGV. Certaines lignes ont donc été délaissées. Même si les principales infrastructures sont là, la métropole tourangelle a besoin de moyens financiers afin de les moderniser pour accueillir plus de trains. Plus de trains qui s’arrêtent surtout.

En effet, l’ADTT dénonce un manque d’arrêts aux différentes stations qui maillent le territoire. En Indre-et-Loire, sur le trajet Tours-Le Mans, seuls quelques trains s’arrêtent dans toutes les gares sur la quinzaine que compte l’itinéraire, constate Vincent Degeorge. Alors que la Sarthe voisine a choisi de faire s’arrêter ces trains dans toutes les gares. Une décision qui a porté ses fruits puisque des wagons de première classe ont dû être déclassés pour qu’il y ait plus de places assises. Une possibilité qui serait ouverte si la métropole est labellisée SERM.

En matière de transports en commun, « il faut rehausser l’offre pour que la demande augmente », pointe le président de l’ADTT. Et c’est tout l’objectif du RER métropolitain : une offre de transports en commun suffisamment efficace pour convaincre la population de délaisser la voiture.

Selon les élus, les arbitrages devraient être rendus à l’été 2024. On saura alors si le projet tourangeau est retenu parmi les labellisés SERM au niveau national.

(*)  n° 140 de Transports urbains