Le quartier du Sanitas, au début des années soixante. Photo Archive NR

J’ai rencontré Agathe dans la rue, par hasard, au pied du Centre de vie du Sanitas. Je cherchais la tour Theuriet. J’étais vraiment mal informée, elle avait été démolie. C’est ainsi que la conversation s’est engagée et qu’Agathe m’a fait rencontrer sa grand-mère, qui vit au Sanitas depuis quarante-cinq ans.

 

Par Myriam GOULETTE

Bronislawa joue les nostalgiques. Elle a dû déménager il y a quatre ans : elle est passée du 8e étage de la tour Theuriet au 3e étage d’une barre de la place Saint-Paul. Pourtant, son nouvel appartement ressemble comme deux gouttes d’eau au précédent et, à vol d’oiseau, de l’un à l’autre, il y a à peine 500 mètres. Tous deux sont situés au Sanitas. Mais quarante-cinq ans de fidélité à la tour Theuriet, ça laisse des traces…

Et puis, dit-elle, « ici, c’est très tranquille ». Trop peut-être ? « Il n’y a pas beaucoup d’allées et venues. » A la tour Theuriet, c’était plus animé. Et franchement, Bronislawa préférait. En plus, cet hiver, elle ne peut plus marcher, plus sortir, ni faire le marché. C’est que le temps a passé…

Bronislawa est née en Pologne. En 1935, jeune fille de 16 ans, elle fait le voyage jusqu’en France où un travail l’attend, à la ferme. Elle pense rentrer quelques années plus tard, mais la guerre arrive. Et elle doit rester. Avec son mari, ils s’installent à Tours, près de la cathédrale. Leurs cinq enfants y naissent.
En 1959, le quartier du Sanitas est prêt à sortir de terre. Les tours prennent la place des entrepôts du chemin de fer et des jardins ouvriers cultivés par les cheminots. Bronislawa et sa famille sont parmi les premiers à emménager dans la tour Theuriet. Elle garde de bons souvenirs de toute cette période. Petit à petit, les commerçants s’installent. L’école Diderot accueille les enfants. Au début, il n’y a pas de cour de récréation et les enfants jouent au pied de la tour.
Au début des années quatre-vingt-dix, la mairie commence à parler de démolir la tour. Tout en engageant des projets de rénovation. Si bien que personne n’y croit, à la démolition. Elle le sera cependant une dizaine d’années plus tard.
Bronislawa ne le dit pas franchement, mais avec ses regards en coin, ses sourires malicieux, on comprend le message : le Sanitas, pendant quarante-cinq, elle ne regrette pas ; elle ne s’y est pas ennuyée une seconde : il y avait les voisins, les enfants… Tout une vie de quartier. La campagne ? Ne lui en parlez pas : être isolée, ça ne l’a jamais fait rêver !