La première réalisation de la Franco-Turque Deniz Gamze Ergüven est en lice pour recevoir la fameuse statuette, le 28 février, à Hollywood. Le succès de Mustang en France l’a conduit à représenter l’Hexagone dans la catégorie « meilleur film étranger ». Laissant derrière lui, une Turquie divisée.

Par Solène Permanne

« Mustang raconte le quotidien révolté de cinq sœurs en rébellion, condamnées au mariage forcé dans la Turquie rurale », explique Sinef Gönül Arslan, qui était la coordinatrice de projet, à Istanbul, pour ce premier film de Deniz Gamze Ergüven. « Toutes deux représentent un même cinéma, rempli de revendications sociales et de messages fort pour l’égalité des droits », observe Gülsenem, experte en cinéma turque.

Découvert cette année à la Quinzaine des réalisateurs, Mustang est sorti dans les salles françaises, le 17 juin, dans la foulée du festival de Cannes. Et il a été bien accueilli : plus de 200 000 entrées après trois semaines de projection. Dans cette course au succès, le film représentera l’Hexagone aux Oscars dans la catégorie « meilleur film étranger ».

« Le film doit gêner une partie de la population »

Sa nomination, sous le drapeau tricolore, avait déclenché la polémique. Car si cette production est majoritairement française par son financement, la langue parlée, le casting ou encore les lieux de tournages sont autant d’aspects qui auraient pu en faire un candidat turc. « La Turquie a fait le choix, avant la France, d’un autre film, explique Gülsenem. Celui-ci aurait sûrement dérangé le président turc conservateur Erdoğan. Comme il doit gêner une partie de la population », complète la spécialiste.

A la sortie de Mustang dans les salles turques -au même moment que sa commercialisation française en DVD-, la réalisatrice franco-turque Deniz Gamze Ergüven s’est confrontée à sa terre familiale, mais pas à un terrain conquis. « La réception était beaucoup moins assurée qu’en France », poursuit Gülsenem.

Le contexte d’abord, était difficile. Sa sortie est intervenue entre les attentats commis à Ankara le 10 octobre et les élections législatives tendues du 1er novembre, en Turquie. « Au-delà de ça, il était surtout confronté à l’opinion de la population turque, pas uniforme », poursuit Gülsenem Gün. « Mustang est très fort et malheureusement représentatif de ce qu’il peut encore se passer dans des régions plus reculées de la Turquie, où les gens n’ont sûrement pas tous apprécié le film, comme moi je l’ai apprécié », commente Tüvana, 25 ans, à la sortie d’un cinéma, à Istanbul.

Si les avis sont partagés, beaucoup de Turcs attendent avec impatience les résultats des Oscars. Mustang représentera-t-il une victoire événementielle pour la Turquie, ou bien se contentera-t-il de n’être qu’un perdant français ? Réponse le 28 février.