Dans le quartier de la gare du Nord, la concurrence est donc toujours présente, même si les VTC stationnent discrètement dans les rues adjacentes. Au contraire, les taxis sont eux bien visibles, garés les uns derrière les autres en face de l’arrivée des voyageurs. Malgré une circulation anarchique, tout semble réglé comme du papier à musique. Les taxis ne restent pas longtemps dans la file. « Les gens se dirigent naturellement vers nous, nous sommes reconnus, explique Sekou. Les taxis existent aux quatre coins de la planète. Tout le monde les connaît et les repère. »
Mais l’arrivée des VTC leur a fait perdre des clients. « Il faut qu’ils s’adaptent, avance Olivier Razemon. Ces derniers mois, 5 000 taxis parisiens de la compagnie G7 ont, par exemple, adopté la cravate. C’est bien, cela va dans le bon sens. » Mais est-ce suffisant ? Entre les fréquents refus d’aller en banlieue et une politesse souvent critiquée, des efforts restent à faire.
L’essor d’Uber est dû en partie à l’insatisfaction des utilisateurs de taxis
Olivier Ezratty
Thomas Thévenoud le conçoit également. « Ce genre de métier repose beaucoup sur l’accueil, la courtoisie, la gentillesse. Il faut que les taxis entretiennent avec le client une relation particulière », assure l’ancien ministre. Dans les écoles de taxis parisiennes, c’est donc également un point sur lequel on insiste. « La politesse est cruciale. Sortir de la voiture, ouvrir les portières, c’est quelque chose d’agréable pour le client et que nous devons faire. Nous le demandons donc à nos élèves, lance Abdelkader Morghad, moniteur au centre de formation de la Fédération nationale des taxis indépendants (FNTI). Le relationnel, c’est le plus important dans notre métier. »
Un discours partagé par Didier Hogrel, président de la Fédération nationale des taxis (FNDT), qui attire l’attention sur « les nombreux projets et les gros efforts faits par les taxis pour progresser ». Il évoque notamment « une meilleure qualité de service, tant au niveau de la tenue vestimentaire des chauffeurs que de la propreté de leurs véhicules. » Des exigences qui semblent basiques mais auxquelles certains semblent peu sensibles. Comme ce taxi qui répand allègrement les miettes de son sandwich sur les sièges en cuir de son véhicule.
C’est notamment ce laxisme qui a mené à l’explosion d’Uber. « Cet essor est dû en partie à l’insatisfaction des utilisateurs de taxis », note Olivier Ezratty, spécialiste en stratégies produits et marketing. Pourtant, les taxis de nombreux pays profitent pour le moment d’une protection relative : la France, l’Espagne, l’Italie, la Belgique et les Pays-Bas ont posé leur veto à l’application UberPop, jugée déloyale. Enfin, en Allemagne, c’est même l’ensemble des branches d’Uber qui est interdit.
Une décision qui n’a suscité que très peu de contestations, puisque seuls 1 600 chauffeurs utilisaient l’application, soit peu de monde face aux 50 000 taxis allemands. Mais ces derniers proposent des chauffeurs bilingues, un compteur à zéro au moment de la prise en charge du client, des sièges enfants et la possibilité de payer par carte bancaire ou via la plateforme de paiement automatique Paypal. De nombreux services qui sont la preuve qu’Outre-Rhin, les compagnies ont su anticiper cette nouvelle concurrence.
Le phénomène d’« uberisation » reste toutefois puissant et il peut être difficile de l’enrayer. « À New York, Uber avait ainsi été interdit par le maire, Bill de Blasio. Il a ensuite fait machine arrière à la demande des électeurs. La loi évolue en partie en fonction des consommateurs », observe Olivier Ezratty.