Jeunes
bonne pioche pour les sectes

Sophie Lamberts, Colin Mourlevat et Mary Sohier

Jeunes
bonne pioche pour les sectes

Jeunes
bonne pioche pour les sectes

Sophie Lamberts, Colin Mourlevat et Mary Sohier

Chaque année, des milliers de jeunes adultes plongent dans le cercle vicieux du mouvement sectaire. Ce sont des victimes de choix pour les sectes. Pour chasser de nouvelles recrues, surnommées la « viande fraîche », leurs recruteurs se servent des moyens de communication et du langage des 18-25 ans. Avec inventivité.

Manipulation et emprise sectaire sont loin d’être des phénomènes dépassés. Ils sont même, plus que jamais, au cœur de l’actualité. Témoins de Jéhovah, raëliens,  scientologues mais aussi recruteurs des extrémistes islamistes se sont sacrément modernisés. Tous utilisent peu ou prou les mêmes outils de communication sur Internet et les réseaux sociaux. Des outils qui s’adressent particulièrement aux jeunes. Car les 18-25 ans représentent la deuxième tranche d’âge la plus touchée par les mouvements sectaires, après les personnes âgées si on en croit les associations spécialisées.

« Tu n’es pas stable, c’est l’âge. Mais on va t’aider. » Voilà ce qu’on peut entendre entre les murs de l’Église de scientologie. Et à l’adolescence, l’âge des bouleversements, ces mots sont un vrai bulldozer psychologique.

« Peut-on guérir des sectes ? » La question est posée, sans équivoque. La réponse, elle, reste en suspens. Le psychologue Jean-Claude Maes, président fondateur de l’association belge SOS Sectes, ouvrira la discussion ce mardi à Tours, lors d’une conférence, le mardi 7 mars, de 19 h 30 à 21 h 30 à la mairie annexe du quartier des Fontaines. Entrée libre.
Contact : tél. 06.63.03.33.05.

Entreprise de séduction

« La majorité des victimes qui viennent nous voir, des jeunes filles surtout, sont au lycée ou viennent d'entrer à la fac. » Patricia Casano, ex-directrice du centre Roger-Ikor, l'une des principales associations antisectes. Photo : Colin Mourlevat.

« Le monde m’était présenté sous un angle suffisamment mauvais pour que je ne m’y sente pas bien. C’est un des credos de la secte », raconte Nicolas Jacquette, entré chez les témoins de Jéhovah à l’âge de 8 ans. Aujourd’hui, après vingt-deux années passées dans la secte, le jeune homme tente de vivre comme tout le monde, jonglant entre ses démons passés et sa nouvelle vie de web designer. Sa jeunesse ? (En)volée.

La transition entre l’ingrate adolescence et l’angoissant âge adulte est souvent une période délicate. « On a cru qu’elle faisait sa crise d’ado », raconte Charles, un sourire amer au coin des lèvres. Diane, sa femme, acquiesce le regard vide. Leur fille, Mélanie, s’est fait enrôler dans une secte par son petit-ami de l’époque. Elle n’avait alors que 18 ans. « Nous lui faisions confiance, elle qui a toujours été hermétique aux religions », ajoute Charles. C’était en 2011. « On a tout compris le jour où elle est partie de la maison en nous laissant un mail. »

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Alexandra, 19 ans, raconte : « Je me suis toujours sentie différente, à l’écart des autres jeunes de mon âge. À la fac, mes journées se résument à étudier à la bibliothèque et à manger à la cafétéria, seule. »

Mélanie écrit qu’elle part rejoindre son petit-ami. Charles et Diane sont alors submergés d’un terrible sentiment qui ne les quittera plus. L’angoisse. En fouillant dans l’ordinateur personnel de leur fille, ils découvrent des enregistrements de transes réalisées par Gabrielle Fréchette. Cette dernière est la principale accusée de l’épisode de sudation mortelle qui a coûté la vie d’une quadragénaire en juillet 2011.

Aujourd’hui, après des années de combat, Mélanie réapprend à vivre comme une jeune femme sans histoire. Elle considère cette période sombre comme une erreur de parcours, une crise d’ado singulière. « La société et les religions ont toujours pris soin d’encadrer ce passage de l’enfance à l’âge adulte, explique Anne Jaffeux, psychologue clinicienne. Différentes étapes et cérémonies ont valeur de rites initiatiques : première communion, Bar Mitzvah, service militaire, examens scolaires, mariage, droit de vote, entrée dans vie active… » Mais ces étapes riches symboliquement ont disparu, ou sont devenues plus tardives.

« Toutes les sectes ont des sites mais les approches se font plutôt physiquement », explique Catherine Picard, présidente de l’Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (Unadfi). La rencontre physique est plus fructueuse. Et pour cela, quoi de mieux que des jeunes pour attirer d’autres jeunes ? Ils ont les mêmes centres d’intérêts, les mêmes questionnements, repris dans des discours et tracts bien ficelés. Ils paraissent toujours plus rassurants qu’un vieux monsieur en costard-cravate. Le recruteur ressemble à sa victime. Celle-ci se sent alors valorisée, estimée, presque aimée.

C’est la méthode du love bombing ou bombardement d’amour, qui use de la flatterie, de la séduction et de beaucoup d’attention. Étudiante en prépa infirmière, Lucie, 18 ans, en a fait la mauvaise expérience : « Je faisais les magasins quand trois garçons d’une vingtaine d’années, plutôt mignons, m’ont abordée. Ils m’ont proposé des cours d’anglais. » Charmée, la jeune fille explique sa rencontre à sa mère, qui l’avertit du danger. Elle se souvient que l’une de ses amies lui a raconté une histoire semblable, impliquant de jeunes recruteurs scientologues. Quand on se sent un peu seul, dans un monde qu’on ne comprend pas et qui ne nous comprend pas, la secte peut apparaître comme un cocon rassurant, réconfortant. Une illusion qui peut engendrer des blessures physiques et psychologiques irréversibles.

Les sectes en tenue de camouflage

À la sortie de l’université ou lors d’évènements grand public : les sectes distribuent des tracts alléchants dans des lieux très fréquentés par les jeunes. Photo : Colin Mourlevat.

Les techniques d’approches des sectes sont plus camouflées et insidieuses qu’avant. Elles se présentent comme des organisations aux intentions respectables et agissent au plus près des jeunes. C’est à deux pas de son ancien lycée que Thomas, 25 ans, s’est laissé approcher par l’Église de scientologie d’Angers : « On m’a proposé un test pour mesurer mon stress. D’après le résultat, j’étais au bout du rouleau. » Dans le voisinage, on s’inquiète : « Ils étalent leur stand aux heures de sorties des cours. » Promesses alléchantes, discours élitiste, propositions de cours gratuits… Les tracts distribués sont particulièrement adaptés à un public jeune : photos des héros de La Guerre des étoiles ou d’Excalibur.

Norbertus, un jeune travailleur, est tombé dans le panneau : « Un soir, un homme et une femme, un chariot et des tracts à la main, m’ont intercepté. Je me suis un peu méfié parce qu’ils étaient habillés comme pour aller à la messe. Mais je les ai écoutés. » Tout de suite, on lui demande s’il est heureux dans sa vie et s’il est croyant. Norbertus rentre chez lui, quelque peu perturbé par cet échange furtif : « J’ai été voir leur site internet. Là, j’ai découvert qu’il s’agissait de la Scientologie. Ils ne s’étaient pas présentés comme tel. » Norbertus est Néerlandais et vit depuis peu à Angers. « Je n’avais pas d’a priori sur le mouvement. Et puis, c’était une bonne façon de rencontrer des gens. » C’est seulement en discutant avec ses collègues qu’il se rend compte qu’il s’est fait avoir par la secte. « En y repensant, je me trouve un peu bête d’y avoir cru. »

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« Aujourd’hui un garçon m’a parlé à la fac. Il s’appelle Théo. On a beaucoup discuté. Il à l’air de me comprendre. Il m’a conseillé d’aller voir sur le site de la scientologie, un groupe qui l’a vraiment aidé à aller mieux. Je vais y jeter un coup d’œil ce soir, on ne sait jamais… »

Les sectes s’implantent aussi au cœur du système scolaire. Selon les études menées par l’Inspection générale de l’Éducation nationale, les personnels enseignants et les médecins scolaires seraient visés par les mouvements sectaires. Un phénomène que confirme Jean-Pierre Bouyssou, psychiatre : « Récemment, une professeure de philosophie a fait l’objet d’un signalement. Pendant le cours, elle se mettait sur le bureau, en position de yogiste et demandait aux élèves de faire la même chose. »

Recruter un enseignant permet en effet de démultiplier rapidement les actions de prosélytisme. « C’est minoritaire mais ça existe », confirme Jean-Claude Dubois, président du Centre contre les manipulations mentales (CCMM) de la région Centre-Val-de-Loire. Il est plutôt facile de se laisser happer. Les sectes opèrent masquées. Elles disposent pour cela de façades culturelles, politiques, humanitaires, thérapeutiques, tiers-mondistes, sportives… dans lesquelles elles espèrent impliquer les jeunes.

Le Celebrity Centre à Paris fait partie de ces organisations écrans. Cet organisme met à la disposition de tous un théâtre. Situé dans l’enceinte de l’Église de scientologie. Mathias, l’un des responsables, se montre gêné : «  Nous proposons des cours de théâtre. Enfin… des leçons de barrières personnelles qui permettent de lutter contre le manque de confiance en soi. Beaucoup de jeunes viennent, dont certains du cours Florent. Il y a même des célébrités.  » Le prix du cours ? Plus de 90 euros les deux heures, soit l’équivalent de trente repas au restaurant universitaire. Rappelons qu’en 2013, le Celebrity Centre a été condamné à 400 000 euros d’amende pour escroquerie en bande organisée. Il a pourtant toujours pignon sur rue.

Dix-huit ans, c’est l’âge des aspirations, des voyages bref des découvertes. Et c’est aussi dans ce secteur que les sectes investissent. Certaines prennent même la forme d’agences spécialisées dans les séjours linguistiques. Elles envoient des jeunes dans des camps ou des familles membres de secte. Théo en a fait la mauvaise expérience. Sa mère raconte : « Il voulait partir aux États-Unis pour apprendre la langue. » La famille se renseigne auprès du Centre d’information et de documentation jeunesse, une structure du ministère de la Jeunesse et des Sports et sélectionne une association. C’est seulement la veille de son départ que Théo apprend que sa famille d’accueil est mormone. Pendant un an, il se plie aux contraintes de la secte. « Il a dû effectuer les prières quotidiennes, les lectures de la Bible des mormons à haute voix et assister au culte tous les dimanches. Il était aussi contraint de pratiquer les activités encadrées par les prêtres mormons », explique sa mère.

Et ce n’est pas un cas isolé. En 2006, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a fait état de sa préoccupation vis-à-vis de la société Calvin Thomas, spécialisée dans l’organisation de séjours linguistiques à l’étranger, « en raison de placement des enfants dans des familles d’obédience mormone ».

Encore plus fort, les sectes envahissent désormais les manifestations grand public. Ni vu ni connu. Tee-shirt bleu turquoise sur le dos et prospectus à la main, les jeunes membres de l’association Non à la drogue, oui à la vie passent pour de bons Samaritains. Présente lors des événements populaires –  Fête de l’Huma, Festival Rock en Seine, Euro de football – c’est en fait une énième organisation écran de la Scientologie. Son objectif n’est pas de soigner mais bien d’enrôler des jeunes un peu perdus. Et c’est tout un engrenage qui commence : déstabilisation mentale, rupture avec l’environnement, premières interdictions. Ni une ni deux, voilà le jeune prêt à se sortir de la spirale infernale des drogues embrigadé et dépossédé de lui-même.

Les sectes adoptent les codes de la génération 2.0

Le recrutement sur le web est une technique de plus en plus utilisée par les sectes, et plus particulièrement par les groupes djihadistes. Photo : Colin Mourlevat.

Pour attirer les jeunes adultes dans leurs filets, on l’a vu, les sectes sont prêtes à tout. Elle n’hésitent pas à appâter le chaland comme le ferait une grande entreprise : à coup de techniques de marketing agressives. Elles se servent des moyens de communication, du langage et des codes des jeunes pour les approcher.

Vous êtes sans doute déjà tombé sur un test de personnalité. Vous savez, le genre de ceux qui envahissent nos pages Facebook et inondent les magazines destinés aux jeunes adultes. Quel amoureux êtes-vous ? À quoi ressemblerez-vous quand vous serez plus âgé ? Ces tests sont notre petit plaisir inavouable, une promesse d’un résultat toujours indulgent. Très attirant quand on a envie de connaître un peu mieux.

Mais tapez « test de personnalité » ou « perte de confiance en soi » sur Google, vous tomberez à coup sûr sur des sites web qui appartiennent à des sectes. On appelle ça le référencement. Cette technique améliore le positionnement et la visibilité des sites dans les résultats de moteurs de recherche. « Les sectes n’hésitent pas à acheter des noms de domaine liés à des mots-clés incontournables quand on s’intéresse au développement personnel et à l’accomplissement de soi », précise Henri-Pierre Debord.

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« Théo m’a demandé de faire le test de personn alité du site de la Scientologie. Ça tombe bien, j’adore en faire. Après avoir répondu à l’ultime question, je reçois un message. Pas de résultat, mais une invitation dans le centre le plus proche de chez moi. J’ai rendez-vous demain. »

En tête de gondole des résultats Google, le test de l’Oxford Capacity Analysis (OCA). Rien à voir avec la prestigieuse université anglaise. Ce test de personnalité se présente comme « le seul test qui offre des résultats précis et un entretien personnalisé ». L’analyse est chapeautée par l’Eglise de scientologie, mais ça, rien ne le dit.

Ce questionnaire, quelque peu ardu, comporte deux cents questions. Il promet de dégager «  les traits de caractère principaux qui peuvent influencer votre avenir  ». Certaines sont plutôt déconcertantes. «  Cela vous demanderait-il un effort certain que d’envisager l’idée du suicide ?  » (sic), «  Useriez-vous de châtiment corporel sur un enfant de 10 ans s’il refusait de vous obéir  ?  » Les questions sont tournées de manière à créer un malaise. Et ça marche.

Le test est suivi par une invitation personnelle dans l’Église la plus proche. Là, les choses sérieuses – l’embrigadement – peut réellement commencer. Comme toute entreprise commerciale qui se respecte, les sectes demandent du renfort du côté des peoples pour cibler les jeunes. Elles reprennent des techniques marketing bien rodées pour vendre, non pas le dernier accessoire à la mode, mais leur doctrine. Les célébrités sont de véritables vitrines. La scientologie l’a compris il y a de nombreuses années et n’hésite pas à mettre en avant leur égéries : John Travolta, Will Smith, ou encore Tom Cruise. « Ma réussite, je la dois à la Scientologie », affirme Travolta.


En bref, signez, payez et la célébrité est à votre portée. En ce moment, de nombreuses stars se baladent avec un petit bracelet rouge, vendu 36 dollars, qui ne quitte plus leur poignet. Madonna, Britney Spears, Ariana Grande… La liste est longue. Leur point commun : la Kabbale, une secte où l’argent règne en maître absolu. Les stars trouvent leur compte dans cette mise en avant médiatique. « Elles cèdent gratuitement leur image contre des services à la carte : progression de carrière, épanouissement personnel… », explique Dominique Biton, écrivain spécialisée dans les question de spiritualité. Ces stars sont très intéressantes pour les sectes qui les embauchent : le fan représente un adepte potentiel.

Et l’e-fishing, vous connaissez ? Comme à la pêche, on attend que ça morde sur les réseaux sociaux. Henri-Pierre Debord, conseiller à la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), affirme que «  les sectes sont friandes de données personnelles  ». Il suffit en effet de consulter le profil d’une personne pour connaître son humeur. «  Ceux qui manifestent publiquement leur désarroi s’exposent à être démarchés  », insiste le spécialiste.

Quelques mois passés à surfer sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter…) suffisent à enrôler des jeunes prêts à suivre une secte ou même un groupe terroriste. Des milliers de jeunes, perdus, se font ainsi hameçonner depuis leur chambre via Internet. Ce recrutement est le fruit d’un travail de propagande redoutablement efficace. La méthode de communication des groupes djihadistes est « semblable à celle que l’on retrouve dans les sectes », confirme Serge Blisko, président de la Miviludes.

Les nouvelles technologies sont un excellent moyen d’entrer en contact avec un public jeune, mais surtout, de maintenir le lien. Messages Facebook, vidéos partagées, SMS incessants… « Wow wow wow !!!! BRAVO mec !!! », « J’attends de tes news avec impatience !!! », « Tu m’appelles dès que tu veux fumer un joint  » : voilà le type de messages que les membres du groupe Non à la drogue, Oui à la vie envoient aux jeunes en rémission. Un vocabulaire familier et des smileys à chaque ligne : rien n’est fait au hasard.

L’après : s’en sortir

La loi sur l’emprise sectaire change diamétralement une fois la majorité passée. Selon Daniel Picotin, « après 18 ans, le jeune n’est plus armé contre les sectes ». Photo : Colin Mourlevat.

L’emprise ne se relâche que très difficilement. La plume acérée d’Amoreena Winkler, une ex-Enfant de Dieu, résume bien les doutes et peurs qui accompagnent la sortie de secte : « Non seulement je vais devenir une “backslider”, une traîtresse au clan, mais en plus je serai une ennemie en déblatérant aux autorités sur les coulisses honteuses de notre existence. On va me maudire, me répudier. On invoquera les foudres du Seigneur sur mon nom. On priera sur une photo de moi pour que j’aie des malédictions. On mobilisera la haine à mon égard. Je vais devenir leur infamie. »

Dans la famille de Mélanie, comme dans beaucoup d’autres, la sortie de la spirale sectaire ne s’est pas faite en douceur. Un jour, les langues ont fini par se délier. Quand le mot « secte » a enfin osé s’échapper des bouches il est déjà tard. Mélanie s’est métamorphosée. Elle a interrompu ses études de médecine, a mis un terme à ses années de gymnastique, s’est coupée du monde. « Notre fille ne se rendait pas compte du mal qu’elle faisait. Ou alors elle s’en foutait totalement. »

Il y eut des années d’incompréhension, d’indifférence, de violence. Mélanie vivait dans un appartement miteux avec son petit ami et d’autres membres de la secte. Ils s’adonnaient à des rites extravagants et participaient à des formations ruineuses.

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Quatre années sont passées. Alexandra est tombée entre les griffes de l’Eglise de scientologie. Sa mère, impuissante, décide de franchir le pas : elle prend rendez-vous chez un avocat spécialisé dans l’emprise sectaire. Sa méthode ? L’exit-counseling.
 

Tous les anciens adeptes s’accordent sur ce point : la sortie d’une secte se fait rarement en douceur. Même lorsque l’on parvient à claquer la porte pour de bon, le lavage de cerveau laisse des séquelles. Se réadapter à une société qu’on a appris à fuir demande du temps et du soutien. Déjà faut-il que le jeune admette qu’il y a eu endoctrinement.

Les associations comme les pouvoirs publics insistent sur l’importance de l’entourage de la victime. Sur le site de la Miviludes, on peut lire : « Les proches des victimes de dérives sectaires sont souvent la seule chance de sortie pour les personnes happées dans un mouvement sectaire. C’est la raison pour laquelle le meilleur conseil à donner aux proches de personnes qui se trouvent dans une situation d’emprise est de ne jamais rompre le lien avec ces dernières. »

« Il y a peu de solutions pour les familles. Il faut mettre sa fierté dans sa poche »

Un conseil qu’ont appliqué Charles et Diane, les parents de Mélanie. « Mais nous lui avons coupé les vivres. Pas question de participer à son emprise. » Après six années de combat, leur fille commence tout juste à se laisser apprivoiser. « Nous avons dépassé la colère. Il ne reste que le sentiment d’avoir échoué et la déception vis-à-vis de notre fille », raconte Charles, les yeux rivés sur sa femme.

Aujourd’hui, Mélanie tente de se reconstruire. Ses parents l’ont forcée à quitter Roudy. Elle vient d’entamer une formation en psychologie et partage désormais sa vie avec un nouveau garçon, lui aussi ancien membre de la secte.

Daniel Picotin, avocat spécialisé dans le droit des dérives sectaires, propose une solution plus radicale, venue tout droit des Etats-Unis. C’est l’exit counseling. Très utilisée auprès de ses jeunes clients, cette technique d’aide à la sortie d’emprise mentale repose en grande partie sur les proches de la victime. Daniel Picotin explique : « La famille, aidée par une équipe de professionnels, va tenter de percer la couche de fausses informations qui brouille la personne. » Cette méthode coûteuse peut durer des mois et suscite encore la méfiance des associations de défenses des victimes.

Quid de la prévention ? Jean-Claude Dubois, président du CCMM Centre-Val-de-Loire mise sur l’éducation : « Il faudrait faire de la prévention directement dans les écoles, les universités, les lieux de vie étudiants. C’est par l’éducation qu’on peut vaincre les sectes. »

Un système qui devrait également fonctionner contre la radicalisation. Car on l’a vu, les méthodes d’embrigadement sont très proches. Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education nationale, ne disait pas autre chose lors de la sortie du film Le ciel attendra, cette année.  « Un film de salubrité publique » face à l’enrôlement djihadiste. En bref, un instrument pédagogique pour mieux comprendre le basculement de certains jeunes. Et pour faire taire les idées reçues sur le phénomène.

Pour les ex-victimes des sectes, des séquelles persisteront longtemps. Mélanie a « perdu sa jeunesse », 15 000 euros et beaucoup de relations, dont son frère, qui refuse de lui parler. « Il y a peu de solutions pour les familles. Il faut mettre sa fierté dans sa poche. Mais Mélanie s’en est sortie », conclut le père, confiant.

Tomber entre les griffes de la secte n’est qu’une erreur de parcours qui se répare, à défaut de pouvoir s’effacer. Il faut s’en sortir, et vite. Et c’est bien souvent l’ardeur de la jeunesse –  ce besoin pressant de tout faire, tout dire, tout voir –  qui reprend ses droits. En témoigne Marina* qui tente aujourd’hui de rompre avec les témoins de Jéhovah : « J’ai 20 ans et déjà le besoin de rattraper le temps perdu. Je veux aller danser, m’enivrer et faire l’amour. »

(*) Le prénom a été changé.
Merci à Jean-Claude Dubois et au CCMM Centre Val de Loire pour leur autorisation d’utiliser le film
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