« Bienvenue au FC Nantes. » L’affiche surplombe l’entrée du stade de La Beaujoire. En ce matin d’octobre, une atmosphère paisible règne autour de ce lieu, réputé pour son ambiance enflammée les jours de matchs. Au troisième étage de l’enceinte sportive, un grand salon habituellement réservé aux VIP est éclairé. C’est ici, entre les bouteilles de champagne et les posters à l’effigie de la marque partenaire, que quatorze élèves de l’École des agents de joueurs de football (EAJF) préparent, depuis juin 2016, le concours de la licence d’agent sportif.
Depuis 2002, c’est le ticket d’entrée obligatoire pour passer des bancs d’école aux bords des terrains. Le diplôme est délivré par la FFF en deux temps. Il faut d’abord obtenir la moyenne à un premier examen de droit, commun à toutes les personnes qui souhaitent devenir agent sportif. « Neuf candidats sur dix se destinent au football », précise Jean-Pierre Karaquillo, président de la commission interfédérale des agents au Comité national olympique et sportif français (CNOSF).
Deuxième étape : l’épreuve spécifique à chaque fédération. Encore une fois, les inscrits sont confrontés à des questions juridiques et des cas pratiques. « C’est assez précis et compliqué. Il faut citer des articles de loi et connaître le montant des amendes, comme celle si l’on signe un contrat avec un mineur », explique Corentin, un élève nantais. Et quelle est la réponse ? « 7 500 euros », lance-t-il du tac au tac.
En novembre 2015, seuls trente-quatre des cinq cents inscrits ont validé le premier examen. Cette sélection n’effraie pourtant pas les candidats. Au contraire. Ils sont de plus en plus nombreux à tenter leur chance. Une tendance qui profitent aux écoles préparatoires. Actuellement, il en existe quatre : la Sports Management School, l’Académie du management des organisations sportives, l’Institut préparatoire au métier d’agent de football (Ipaf) et l’EAJF. Sidney Broutinovsky est le fondateur et le directeur de ce réseau de cinq écoles à travers la France. Il revendique « près de deux mille demandes d’informations pour deux cent trente admis » chaque année. « C’est effrayant qu’il y en ait autant. Le secteur est déjà complètement bouché », regrette Jean-Pierre Karaquillo.
Corentin, lui, s’accroche à son rêve. Ce Réunionnais de 21 ans a plein de projets en tête. « J’ai peu de contacts dans le monde du foot, mais j’ai approché des clubs de mon île. Je voudrais développer ce marché et faire venir des joueurs en France. » Manuels ouverts et stylos à la main, ses camarades et lui écoutent attentivement le cours de Julie Lohner, avocate en droit du travail. « Mandat », « sanction », « contrat » rythment le discours de la jeune intervenante. Pendant sept heures par jour, les apprentis avalent des notions juridiques. « C’est difficile quand on n’a jamais fait de droit », avoue Camil. Cet ancien joueur bosniaque a écumé plusieurs centres de formation, de Sarajevo à Metz en passant par Francfort. Il a finalement dû stopper sa carrière à cause de blessures répétitives. Aujourd’hui magasinier-cariste, il espère renouer avec sa passion d’enfance grâce au costume d’agent.
Les apprentis-agents du centre de formation de l’EAJF à Nantes expliquent leurs motivations.
Dur dur pour des militaires, des jockeys ou des chefs d’entreprise en reconversion, qui n’ont parfois jamais ouvert un code de leur vie. Le benjamin de la promotion a 18 ans, le plus âgé 46. Peu importe, puisqu’il n’y a pas de pré-requis scolaires pour entrer à l’EAJF. A condition cependant de débourser 3 990 euros, pour une formation de dix mois, dont la majorité des cours est dispensée sur Internet. Paul et Anthony, deux anciens étudiants, sont assez critiques : « Les cours ne sont pas en vraiment en phase avec la réalité du métier, surtout tourné vers le relationnel et l’économie. Mais nous n’avons pas le choix si nous voulons la licence ».