Lévothyrox

la formule indésirable

Photo : Noé Poitevin/EPJT

En France, ils sont 3,3 millions à souffir de problèmes de thyroïde. La plupart se soignent avec le Lévothyrox. Mais en 2017, l’arrivée d’une nouvelle formule du médicament provoque une vague d’effets secondaires sans précédent. Des milliers de patients font entendre leurs voix et intentent des actions en justice. Au travers de cette affaire, nous avons voulu questionner le système pharmaceutique français.

Par Romain BIZEUL, Noé POITEVIN, Antoine SANTOS

a douleur est encore vive mais Monique assure aller mieux. « J’en étais arrivée à me dire : “Tu vas t’éteindre comme ça.”. » lâche-t-elle les yeux rougis et la voix tremblotante. Attablée au milieu de son salon, la retraitée de 76 ans raconte son calvaire. Le Lévothyrox. Sous l’œil bienveillant de son mari, elle évoque les quelques mois au cours desquels elle ne se reconnaissait plus. Incapable de sortir, de dormir, de vivre. La retraitée avoue même avoir pensé au suicide.

Depuis le changement de sa formule en mars 2017, le médicament qui soigne les dérèglements de la thyroïde ne cesse de faire parler. Et pour cause : dès sa mise sur le marcher, des milliers de malades ont ressenti de lourds effets indésirables. Fin 2018, ils étaient, comme Monique, plus de 32 000 à avoir déclaré des effets indésirables à l’Agence nationale de sécurité du médicament.

Les scandales sanitaires ont marqué ces dernières années sans que lumière soit faite. Le Lévothyrox vient s’ajouter au Médiator, au Vioxx ou encore à la Dépakine. Les laboratoires pharmaceutiques collectionnent les pots cassés. Les dérives du système s’accumulent sans que rien ne change.

Le calvaire des malades

Selon un rapport de pharmacovigilance, plus de 17 000 signalements d’effets indésirables sont attribués à la nouvelle formule du Lévothyrox. Photo : Noé Poitevin/EPJT

L’histoire de Geneviève, 68 ans, ressemble à beaucoup d’autres. Cette habitante du Lot, dynamique, a toujours été très impliquée dans la vie locale. Jusqu’à l’arrivée de la nouvelle formule du Lévothyrox. Intense fatigue, jambes gonflées, vertiges, maux de tête ou encore difficultés pour se déplacer… Son train de vie bascule totalement. La retraitée, qui vit seule, passe six mois très douloureux. « Le pire, ce fut l’été 2017, de juin à août. J’ai fait peur à mes enfants », raconte-t-elle, la gorge encore nouée.

Monique vit à peu près le même calvaire. Depuis 1994, elle soigne sa thyroïde avec du Lévothyrox. « Je n’ai jamais eu de problème jusqu’en 2017 », affirme-t-elle. Au début, elle ne se rend pas compte du souci : si le médicament a changé, la mention « nouvelle formule » n’est pas mentionnée sur les boîtes.

Dans l’entourage de Monique, personne ne comprend vraiment ce qui lui arrive. Son médecin, qu’elle voit fin août, lui prescrit différents médicaments, en vain. Les somnifères ne parviennent même pas à la faire dormir. Il lui assure alors ne pas être au courant de cette nouvelle formule.

Du côté du pharmacien, pas de grande surprise non plus. « On me disait qu’il n’y avait pas de raison, que la molécule était la même et que mes symptômes ne pouvaient pas être liés au Lévothyrox », se remémore la retraitée.

Elle décide donc de faire un signalement de pharmacovigilance à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), le dispositif de surveillance des médicaments et de prévention d’effets indésirables. De son côté, Geneviève fait de même. « Ils ont écouté mes symptômes et m’ont assuré qu’ils les prenaient en note », se souvient-elle.

Pour mettre fin à s oncalvaire, Geneviève prend la décision de changer son traitement. « Mon médecin m’a donné de l’Euthyral, mais je ne l’ai pas supporté. » Elle fait alors appel à sa sœur qui réside en Espagne. Là-bas, l’ancienne formule est encore disponible. « J’ai pris un stock pour trois ans. A présent, je ne souhaite pas changer de traitement », insiste-t-elle.

Monique ne veut plus entendre parler de Merck, le laboratoire qui produit le médicament. Elle ne reprendra jamais de Lévothyrox

Monique, elle, finit par faire une analyse de sa TSH (hormone essentielle de la thyroïde qui sert d’indicateur de maladie thyroïdienne). « J’avais une petite baisse mais rien d’anormal. Mon médecin a donc augmenté ma dose de Lévothyrox : je suis passée d’une boîte de 50 microgrammes à 75 tous les jours. C’est là que les effets secondaires ont complètement explosé. » La goutte de trop.

La retraitée décide d’arrêter son traitement début septembre. Au bout de trois jours, elle voit ses douleurs se réduire et ses problèmes aux yeux disparaître. Aujourd’hui, Monique ne veut plus entendre parler de Merck, le laboratoire qui produit le médicament. Et elle l’assure : elle ne reprendra jamais de Lévothyrox.

Depuis, elle a retrouvé une vie plus normale et peut sortir tous les jours. « Je suis fatiguée mais c’est l’âge. Je n’ai plus du tout la force que j’avais il y a encore quelques mois. » Elle en garde des séquelles, au niveau intestinal mais aussi psychologique. « Six mois de perdus, assure-t-elle. Il y a toujours ce blocage quand je me demande quel poison j’ai pris. »

Geneviève ne s’est pas non plus totalement remise de ses six mois de douleur : « Mon médecin m’a envoyée à l’hôpital de Cahors, où j’ai fait tout un tas de tests et d’examens. » En septembre 2017, pendant cinq semaines, elle a même dû aller en centre de rééducation.

Les malades n’attendent aujourd’hui rien d’autre qu’une reconnaissance. « Mme Buzyn n’a toujours pas reconnu la crise. Je pense que c’est la première chose à faire », lance Monique. Les deux retraitées espèrent enfin connaître la vérité.

La résistance s’organise

À Villeurbanne, le 5 décembre 2018, les plaignants du Lévothyrox sont venus nombreux en espérant obtenir gain de cause. Photo : Antoine Santos/EPJT

La vérité, c’est aussi ce que demandent les associations de malades. Aussitôt, elles se sont mobilisées pour rassembler et aider les patients souffrants. Monique s’est rapprochée de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT). Un pas déterminant qui lui a permis créer des liens d’amitié et comprendre sa pathologie. « J’ai vu que je n’étais pas seule, confie la retraitée. Il faut savoir que ce sont aussi des malades qui s’occupent de l’association et, dans l’état où ils étaient eux-mêmes en 2017, c’était bien courageux de leur part. »

D’autres associations ont aussi mené le combat contre la nouvelle formule, à l’instar de l’Union pour la prévention et la gestion des crises sanitaires (UPGCS), présidée par Annie Notelet. « Une forte angoisse est née chez les malades, les médecins n’ont pas su leur apporter de réponses sur leurs troubles. Nous étions là pour les accompagner », explique-t-elle.

À l’aide de l’AFMT, Geneviève a déposé plainte contre X pour tromperie aggravée, blessure involontaire et mise en danger d’autrui. Comme elle, 7 000 plaintes ont été enregistrées, au 5 mars 2018, contre la nouvelle formule du médicament selon Le Figaro. Un moyen pour que malades comme associations puissent faire entendre leur voix.

De la pétition au procès

La salle du procès intenté par les malades contre le laboratoire Merck, le 5 décembre 2018. Photo : Noé Poitevin/EPJT

Villeurbanne, près de Lyon, le 5 décembre 2018. Il est presque 9 heures quand la foule se presse vers la grande salle du centre des Congrès. Aujourd’hui, ils sont environ 200 à venir assister à la première audience de l’affaire du Lévothyrox. Spécialement délocalisé pour l’occasion, le tribunal d’instance de Lyon examine une action intentée par 4 113 malades de la thyroïde.

Tous assignent en justice le laboratoire Merck pour « préjudice d’angoisse » et « défaut d’information » lors de la commercialisation de la nouvelle formule du Lévothyrox. Les plaignants réclament chacun 10 000 euros au laboratoire. Ils sont également, pour la plupart, venus entendre Merck « reconnaître ses fautes » et « présenter ses excuses ».

Lorsque Me Christophe Lèguevaques, l’avocat des plaignants, commence sa plaidoirie, les visages se ferment. Il énumère un à un les effets secondaires provoqués par la nouvelle formule. L’émotion se fait ressentir lorsque l’avocat évoque quatre décès qui pourraient être liés à la prise du médicament. « Jusqu’en octobre 2017, les patients n’avaient pas d’alternative, c’était Lévothyrox ou rien, c’était marche ou crève », lance Christophe Lèguevaques.

Pendant sept mois, les témoignages de patients se plaignant d’effets secondaires se sont propagés dans les médias. À leur tête, la comédienne Anny Duperey, rapidement devenue leur porte-parole. Mais ce que l’avocat des victimes pointe du doigt, c’est surtout un manque d’information du laboratoire envers le public.

Merck se dégage donc de toute responsabilité. Le 5 mars 2019, la justice donne raison au laboratoire contre les 4 113 malades et plaignants. Le tribunal d’instance de Lyon juge qu’il n’y a pas de « défaut d’information ». Ce n’est pourtant qu’en juillet 2017, cinq mois après la mise sur le marché de la nouvelle formule, que le ciel s’est éclairci pour Monique et les autres. « J’ai découvert l’affaire dans la presse et j’ai alors compris d’où provenait tout ça. C’est là que j’ai repris l’envie de me battre contre ma maladie », explique la retraitée.

À l’Ordre des pharmaciens, on considère que laboratoire n’est pas à blâmer. Frédéric Bassi, président de la section B (relative à l’industrie pharmaceutique), rappelle que les laboratoires n’ont légalement pas le droit de communiquer. Tout est contrôlé par l’ANSM. Difficile d’attaquer la firme dans ces conditions, du moins sur la forme.

« Quand un constructeur rappelle des centaines de milliers de voitures, tout le monde trouve ça normal. Elles ont un défaut, lance-t-il. Eh bien ici, c’est la même chose sauf que les médicaments sont pris par des personnes malades qui n’ont pas toutes la même sensibilité. » Mais pour des questions de santé publique, selon lui, il faut agir pour le plus grand nombre. « C’est pour cela qu’a été mise au point la nouvelle formule », conclut Frédéric Bassi.

Confiant, Merck ne conteste plus les symptômes indésirables qu’ont subi certains malades. Mais il constate aussi que le Lévothyrox nouvelle formule est pris par 2,6 millions de personnes. Ce qui fait du médicament le produit dominant du marché avec le traitement de 80 % des malades de la thyroïde.

Une position que la firme utilise pour véhiculer une image de victime d’un procès d’intention. Pour Me Jacques-Antoine Robert, le laboratoire a été « contraint et forcé » par l’ANSM de changer sa formule afin de rendre le médicament plus stable dans le temps.

« Les médecins ont été informés de la nouvelle formule par l’envoi de 100 000 emails, courriers postaux et fax, rétorque Jacques-Antoine Robert, avocat de Merck. Tout est rentré dans l’ordre pour les patients. Chacun d’eux a été informé du changement de formule par le médecin ou le pharmacien. »

Huées dans le public. « C’est faux ! Mensonges », crient certains. Lorsqu’il nie totalement le lien entre quatre patients décédés et la nouvelle formule, les plaignants s’insurgent de plus belle. L’audience se tend encore quand il évoque un « climat aujourd’hui apaisé ». Dans le public, plusieurs se lèvent pour quitter la salle. Ambiance.

L’agence du médicament a bel et bien demandé à Merck de mettre au point une nouvelle formule. Le laboratoire se serait vu « retirer l’autorisation de mise sur le marché du médicament » s’il n’avait pas appliqué les consignes. Une demande similaire a été adressé aux laboratoires Biogaran et Teva. Ces derniers ont préféré retirer du marché leur médicament contre les troubles thyroïdiens plutôt que d’investir dans un médicament plus stable dans le temps. Pour Merck, pas de doute : c’est une sorte de « monopole forcé ».

Face à cette crise, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a demandé de remettre sur le marché près de 200 000 lots de l’ancienne formule à la fin de l’année 2017. Mais pour 2,6 millions de consommateurs, c’est très peu. Rares sont ceux qui réussissent alors à se la procurer en France. Ce qui en force plus d’un à l’acheter à l’étranger sous le nom d’Euthyrox. C’est notamment ce que fait Geneviève.

A présent, quatre médicaments soignant les dérèglements de la thyroïde sont disponibles. Pour continuer à diversifier l’offre thérapeutique, l’ANSM vient d’accorder une autorisation de mise sur le marché à un nouveau médicament pour le printemps 2019. D’autres encore sont en cours d’évaluation.

Ces contrôles sont effectués par les agences nationales et internationales du médicament. Au vu des récentes failles, le rôle de ces institutions est aujourd’hui questionné.

Un système qui bloque

Photo : Noé Poitevin/EPJT

Depuis 1995, c’est l’Agence européenne du médicament (EMA) qui donne ses directives aux institutions nationales. À l’instar de l’ANSM en France, celles-ci ont besoin de l’accord de l’EMA pour mettre un médicament en vente. Une régulation censée parer à tout scandale sanitaire.

En juillet 2018, l’EMA a émis un avis positif à la diffusion de la nouvelle formule du Lévothyrox dans 21 des 28 pays membres de l’UE. La récente affaire n’y a rien changé. Pourtant, comme évoqué précédemment, un nombre conséquent de patients ont alerté l’ANSM. Ce qui a provoqué de nombreuses études de la part de celle-ci afin de garder le contrôle sur le médicament.

Régulièrement, pour présenter le résultat de ses études, le ministère de la Santé réunit les associations de patients, les représentants des professionnels, l’ANSM et la Haute Autorité de Santé. Lors de la dernière réunion, le 20 décembre 2018, l’ANSM y a présenté son dernier rapport. Celui-ci ne constate pas « d’augmentation de problèmes de santé graves ». Il souligne avant tout un pic d’effets indésirable en août, septembre et octobre 2017, soit les mois suivants la révélation de l’affaire au grand public. Une manière de soutenir une fois de plus la thèse de l’effet nocebo, appuyée coûte que coûte par Merck et l’ANSM.

La présidente de l’association Vivre sans thyroïde, Béate Bartès, est écœurée. Elle considère que les intérêts communs des laboratoires et de l’Agence nationale de sûreté du médicament priment sur la santé des malades. « À chaque réunion, l’ANSM et le ministère défendent Merck, s’agace-t-elle. C’est comme s’ils étaient leurs représentants. » Même son de cloche du côté de l’Association française des malades de la thyroïde.

Béate Bartès, présidente de l’association Vivre sans thyroïde, lors d’une réunion avec des plaignants du Lévothyrox. Photo : Noé Poitevin/EPJT.

Le malaise se fait ressentir. Depuis la première pétition en juin 2017, la fracture est de plus en plus grande. La communication, une des missions premières de l’ANSM, ne passe pas. « Il y a une désinformation complète sur le sujet, dénonce la présidente de l’AFMT, Chantal Garnier. Ils ont seulement évoqué un changement de packaging. »

Les médecins, eux, ne semblaient pas au courant. De leur côté, l’ANSM et Merck assurent avoir fait le nécessaire. « Le pire c’était le sentiment d’être abandonnée, quand j’évoquais mes soucis on me riait au nez », s’exclame Monique. Pourtant, en avril 2019, une étude scientifique de l’université de Toulouse révèle qu’il y a bien des différences entre l’ancienne et la nouvelle formule du Lévothyrox. Le changement d’excipient expliquerait les effets secondaires chez certains patients.

Des manquements dans la communication

Photo : Jean-Baptiste Quentin 

Michel Gerson, endocrinologue et auteur pour la revue scientifique Médecine, a étudié la communication chez les professionnels de Santé. « L’ANSM prévient les médecins par courrier postal, mais au vu de la quantité qu’ils reçoivent, ils n’ont pas le temps de tout lire », explique le Dr Gerson. Il n’hésite pas à critiquer ces lettres d’information également sur le fond.

Ces dernières ne prévenaient, selon lui, d’aucun des effets secondaires qu’ont connu les patients par la suite. « Je voyais trouble, j’avais des douleurs osseuses, musculaires et intestinales, se rappelle Monique. Tout cela agrémenté de vertiges et d’une fatigue énorme. » Il y était simplement mentionné une attention particulière pour les personnes cardiaques.

Interrogée par Elise Lucet à la suite de la diffusion du documentaire d’« Envoyé Spécial » sur le Lévothyrox, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a elle-même avoué des manquements dans la communication : « Nous ne sommes pas bon dans ce domaine. » Elle promet une amélioration. Plusieurs mois plus tard, aucun changement à l’horizon.

Du côté de sa prédécesseuce, pas vraiment de cadeaux. Marisol Touraine, ministre de la Santé de 2012 à 2017, nous a livré son analyse de la situation. « Je crois que la ministre actuelle a tardé à prendre la mesure de l’affaire, pointe–t–elle. Elle, comme son entourage n’avaient aucune expérience de la relation à l’opinion publique, et cela s’est vu. »

Monique, quant à elle, s’interroge sur l’absence de prise de position de l’ancienne ministre jusqu’ici. « C’est surprenant quand on sait que c’est elle qui était en poste en 2012, soit le moment de la décision du changement de formule », relève la retraitée. L’ancienne ministre nie toute responsabilité : « Tout cela s’est passé après moi. [Elle hésite] Enfin pour l’essentiel. » Avant de continuer : « Je n’ai pas eu connaissance de la demande de changement de formule par l’ANSM, c’était une procédure classique. C’est même arrivé avant ma prise de fonction. »

Le système de communication serait à revoir. C’est en tout cas ce que considère Michel Gerson. « Les laboratoires communiquent quand ils ont un intérêt à le faire. Ce sont les premiers à promouvoir leurs produits auprès des médecins », rapporte l’endocrinologue.

La pratique est pourtant proscrite depuis 2011 et la loi Bertrand dite « Anti-cadeaux ». Elle vise à limiter les conflits d’intérêts entre professionnels de santé et industriels. Dans les faits, c’est plus complexe. Dans son « obsession » sur les lobbyistes, Les Jours a révélé plusieurs cas litigieux.

Un ancien salarié de Merck USA, devenu lanceur d’alerte, explique son rôle consistant à « chouchouter » les médecins leaders d’opinions. « Derrière l’image scientifique, un accord tacite entre le médecin et moi : je vous paie pour faire mine d’explorer les autres potentialités de mon produit. En retour, vous le prescrivez à vos malades », lâche l’ancien chargé d’affaires médicales de Merck.

Des liens étroits

Photo : Health Studio 

Au-delà de ces rapports, les laboratoires pharmaceutiques ont également leurs entrées dans les plus hautes institutions de santé. L’ANSM comme l’EMA assurent travailler en parfaite indépendance et transparence. Interrogés, les agences n’ont pas souhaité répondre à nos questions. Pour Emmanuel Ludot, avocat des malades, le constat est sans appel : « L’EMA est totalement aux mains des lobbyistes. »

Ce n’est pas Michèle Rivasi qui va le contredire. La députée européenne Europe Ecologie-Les Verts, membre de la commission de Santé publique au parlement, dénonce activement ces pratiques. « L’Agence européenne du médicament est financée à 80 % par les laboratoires,. Cela pose quelques questions », soulève-t-elle. C’est également ce que dénonçait déjà l’ancienne sénatrice Marie-Thérèse Hermange dans un rapport de juin 2011.

Outre le financement, les liens entre institutions publiques de santé et groupes industriels pharmaceutiques sont évidents. Nombreux sont ceux qui basculent du secteur public au secteur privé et inversement. Thomas Lönngrenen en est l’exemple parfait. Cet ancien directeur exécutif de l’EMA a rejoint le secteur privé, sans délais, après deux mandats à la tête de l’Agence européenne.

L’institution française est également concernée. Pour rappel : la nouvelle formule du Lévothyrox avait elle-même été commandée par l’ANSM. Un alibi qu’utilise régulièrement Merck pour se défendre des accusations qui lui prêtent des motivations économiques. La nouvelle formule élimine toute trace de lactose et, hasard ou non, le marché chinois que compte conquérir Merck (selon Les Jours) est intolérant au lactose.

L’ANSM bloque totalement sa communication. Elle a même invoqué pour la première fois le très critiqué Secret des affaire en octobre 2018

Philippe Lechat, signataire de la lettre officielle de l’ANSM commandant cette nouvelle formule, n’est pas totalement inconnu du laboratoire. Ce dernier y a travaillé quelques années auparavant. En tant que coordinateur d’études cliniques, il a contribué à la fortune de Merck.

Beaucoup de zones d’ombres planent encore. L’institution du médicament bloque totalement sa communication. Elle a même invoqué pour la première fois le très critiqué « secret des affaires » en octobre 2018. Cette loi censée protéger les entreprises de l’espionnage industriel a donc été invoquée par une institution publique garantissant la santé des Français.

Impossible alors d’avoir accès aux documents permettant de faire la lumière sur ce qui a causé – ou cause toujours – des troubles à des milliers de malades de la thyroïde. À l’image de Monique, tous n’attendent qu’une seule chose : « Savoir avec quoi on a été empoisonné et connaître toute la vérité. »

Romain Bizeul

@RomainBizeul
22 ans.
En licence pro presse écrite à l’EPJT. Titulaire d’une licence d’Histoire. Passé par Le Mensuel du Morbihan et L’Obs. Prochainement à Médiacités. Aimerait écrire pour la presse magazine et d’investigation.

Noé Poitevin

@NoePoitevin
21 ans.
En licence pro de journalisme à l’EPJT, spécialisation TV.
Après avoir notamment expérimenté l’actualité locale
et la vidéo, aimerait intégrer une chaîne TV nationale.
Passé par TV Tours, France 2 Londres. Bientôt
à « Tout le sport ».

Antoine Santos

@AntoineSnts
21 ans.
En licence pro de journalisme à
l’EPJT spécialisation TV.
Ancien de l’IUT de Lannion.
Journaliste reporter d’images–monteur à TF1
Passé par Kite-R Évolution.
BFMTV, France 3 Normandie,
Ouest France et franceinfo:.